De quelle marine héritons nous en l'an de grâce 1720 ?
Un petit résumé, du renouveau de cette marine...
Quand Mazarin meurt, en 1661, les guerres et les luttes internes ont mis l'économie de la France en ruine. Le Roi, sur le conseil de Mazarin, prend Colbert comme Intendant des Finances. « Richelieu […] avait décidé de faire de la France une puissance maritime, ce qu’elle n’était pas jusque-là.
Les vicissitudes des temps n’avaient pas permis de réaliser cette grande ambition, et la marine de guerre française restait embryonnaire, faible face à celles d’Angleterre et des Pays-Bas. Lorsque Louis XIV parvient au pouvoir, assisté de Colbert, cette ambition est reprise, avec pour objectif de s’opposer aux Hollandais ».
Dans un discours prononcé le 3 août 1664, Colbert dénonce les causes de la ruine du commerce en France, en accusant ouvertement les Hollandais, qui contrôlent tout, jusqu’et y compris les échanges entre les ports français. Les hollandais protègent leur commerce avec leur propre armée, constituée de 10 à 12 000 hommes de troupe et de 40 à 50 vaisseaux de guerre, ils sont les maîtres incontestés du commerce sur toutes les mers du globe.
Colbert voit dans le rétablissement de l’indépendance commerciale le salut de l’économie nationale. Et pour assurer cette indépendance, il faut au pays une force navale apte à défendre son commerce, et réduire la suprématie hollandaise. L’Académie Royale des sciences, qu’il a bâtie, est mise à contribution pour publier un Atlas décrivant dans le détail chaque étape de la construction d'un bateau. L’Académie applique pour la première fois les connaissances mathématiques dans la conception des coques et des gréements des navires.
Le projet est grandiose mais simple : industrialiser la production des matières premières nécessaires, par la gestion scientifique des forêts et le développement des voies de transport, industrialiser la production des navires, industrialiser la fabrication des cordages et des pièces de fonderie ... A sa nomination comme Ministre, la flotte française se résume à une vingtaine de vaisseaux de guerre âgés en état de naviguer, de 16 à 56 canons, dont seulement 9 vaisseaux de ligne. La marine anglaise compte 157 vaisseaux de tous tonnages (dont 74 sont des vaisseaux importants, embarquant de 30 à 100 canons), soit un rapport de 1 à 8 avec la marine française...
15 ans plus tard, l'État français dispose de 196 vaisseaux, sans compter les galères, et en 1677, il compte 300 navires, et les meilleurs arsenaux au monde : Toulon, Rochefort et Brest en premier lieu, assistés des ports de Dunkerque, du Havre, de Calais et de Boulogne. En une quinzaine d’années, la France, qui n’a pas à proprement parler d’histoire maritime est devenue la première puissance maritime mondiale, et ses modèles de vaisseaux, notamment le vaisseau de 74 canons construit ultérieurement sur la base des plans établis par Jacques Noël Sané (1740-1831), sont devenus si remarquables qu’ils seront progressivement copiés par toutes les autres puissances maritimes, à commencer par les anglais et les hollandais.
La construction des navires n’est plus un travail approximatif et artisanal, nombre de vaisseaux construits font l’objet sur ordre de Colbert d’une réalisation très précise d’un modèle préalable à l’échelle du 1/12ème jusqu’au 1/48ème selon le navire concerné, permettant de visualiser ce que sera le futur vaisseau: « L’intention du Roy est qu’il soit fait en chaque arsenal des modèles en petit d’un vaisseau de chacun des cinq rangs dans lesquels les mesures sont réduites au 1/12 ou au 1/20 de toutes leurs proportions et mesures. »
Voilà donc l'état, vite résumé, de la marine Française en la période qui nous occupe.
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